Urgences hospitalières : le témoignage du Pr Jean-Jacques Eledjam
Le professeur Jean-Jacques Eledjam a passé six ans à la tête du service des urgences du CHRU de Montpellier*. Il a ouvert les portes de son service aux caméras de 24H aux Urgences, la nouvelle série-documentaire de TF1. Anesthésiste-réanimateur de formation, il a découvert aux Urgences un personnel impliqué, dynamique et volontaire qu’il a toujours souhaité valoriser afin de montrer au grand public la qualité du travail fourni par ses équipes.
Que représente la direction d’un tel service ?
Le pôle des urgences comprend à la fois l’urgence pré-hospitalière (tous les soins pratiqués avant l’arrivée à l’hôpital), l’accueil, puis tout ce qui est rattaché aux soins, de la radiologie à la P 9 psychiatrie, en passant par la médecine légale… Le pôle compte plus de 750 personnes à superviser, dont une centaine de médecins. Aux Urgences, nous accueillons plus de 100 000 personnes en moyenne chaque année.
Quelles sont les qualités professionnelles et humaines requises pour travailler dans ce domaine si particulier ?
Il faut avoir une âme d’explorateur, d’anthropologue. Lorsque l’on exerce dans des domaines comme l’anesthésie, ma spécialité d’origine, les patients changent chaque jour mais les gestes restent les mêmes. En revanche, les urgentistes doivent apprécier la diversité des situations des patients accueillis, être en demande de nouveauté et s’intéresser aux autres.
Ce métier est aussi source de pression physique et psychologique. Comment gérez-vous ces difficultés ?
Aux Urgences, on a l’impression de sauver des vies, de jouer son rôle de soignant. Cela peut être extrêmement satisfaisant, mais notre quotidien est aussi compliqué, difficile, fatigant. Aucune garde ne ressemble à la précédente, et chaque jour passé aux Urgences est différent. L’urgence n’est pas le plus perturbant, car on est pris par le geste technique. Le plus difficile reste la violence de certains patients sous pression. Pour décompresser, les membres du personnel débriefent entre eux dès qu’ils bénéficient d’un moment de liberté. Cette «psychothérapie de groupe» est essentielle car la prise en charge des patients et le manque de reconnaissance dont souffre ce service sont parfois très pénibles à vivre. Les Urgences sont la vitrine de l’hôpital, et pourtant, elles n’ont pas tout à fait trouvé leur place.
A quoi est dû ce manque de reconnaissance ?
Les Urgences ne sont reconnues comme une spécialité que depuis 2004. Auparavant, l’essentiel du personnel était composé de généralistes. Avec ce changement, nous gagnons en compétences et en respectabilité. En conséquence, leur image évolue un peu. Aujourd’hui, la qualité du service des urgences est vraiment mise en avant. De plus, les Urgences sont un lieu de passage quasi obligatoire : ouvertes 24h/24, gratuites, elles deviennent populaires.
Pourquoi avoir accepté les caméras au sein de votre établissement ?
Je m’attache depuis toujours à faire connaître cette spécialité et à la valoriser, en mettant en avant ses acteurs, ceux qui s’impliquent tous les jours pour les autres. 24H aux Urgences poursuivait exactement cette même volonté. Lorsque l’on nous a proposé d’avoir un regard extérieur, sans sensiblerie et attaché au personnel des Urgences, je n’ai pas hésité. Nous avons eu affaire à de véritables professionnels. Aujourd’hui, je leur suis infiniment reconnaissant, car ils vont montrer la réalité.
Vous occupez désormais le poste de consultant**. Les Urgences vous manquent-elles ?
Depuis septembre, je suis effectivement davantage dans la philosophie que dans l’opérationnel ! Cependant, je suis toujours en charge de missions au sein du Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Montpellier. Je suis également très impliqué dans l’humanitaire, à la Croix-Rouge française : ce n’est pas un hasard. Selon moi, on ne quitte jamais vraiment son métier. Pour autant, je ne parlerais pas de vocation, simplement d’une certaine forme de détermination.
Source : * Le CHRU de Montpellier se classe au 7e rang des CHU de France, avec près de 2 800 lits et plus de 11 000 professionnels / ** Depuis septembre 2012 / dossier de presse TF1