L’argent: une récompense qui améliore l'apprentissage !
Comment apprendre le plus rapidement possible à exécuter des tâches motrices simples comme tricoter, jongler ou encore taper sur un clavier d’ordinateur ? Rien de plus simple : il suffit de vous récompenser par quelques euros.
Mathias Pessiglione chercheur à l’Inserm et ses collaborateurs du CRICM (Centre de recherche de l’Institut du Cerveau et de la moelle épinière) viennent effectivement d’apporter la preuve scientifique que les récompenses monétaires améliorent l’apprentissage moteur chez l’homme. Cet effet passe par une libération accrue de dopamine dans le cerveau. Ces résultats sont publiés dans la revue Brain datée du 23 août 2011.
L’étude de Mathias Pessiglione, Stefano Palminteri et leurs collaborateurs a consisté à soumettre des volontaires au test suivant : regarder une image sur un écran représentant cinq touches d’un clavier d’ordinateur avec la consigne d’appuyer le plus rapidement possible sur 3 d’entre elles de manière simultanée. Une motivation financière est proposée à chaque exécution : 10 euros ou 10 centimes d’euros selon les cas. En proposant cet exercice, les chercheurs souhaitaient tester si une récompense financière pouvait influencer un apprentissage moteur.
Et le résultat est sans appel : les participants exécutent progressivement d’autant plus rapidement la tâche, qu’ils reçoivent la récompense la plus élevée (10 euros contre 10 centimes) même sans en être conscient. Ils ne savent effectivement pas à l’avance quel sera le montant de la récompense. “Une fois que nous avons fait ce constat, notre objectif a été d’essayer de comprendre ce qui se passait dans le cerveau des participants, explique Mathias Pessiglione, chercheur à l’Inserm. Nous avons fait l’hypothèse que le circuit de la dopamine pouvait être impliqué dans ces processus.” Il est en effet démontré depuis longtemps que la libération de dopamine permet de renforcer l’efficacité de certains neurones impliqués dans la coordination visuo-motrice (lien entre ce que je vois et ce que je fais).
Il fallait donc pour tester cette hypothèse, trouver des personnes chez qui la libération de dopamine était augmentée. C’est le cas des patients atteints de la maladie de Gilles de la Tourette. Cette maladie neurologique entraine des tics moteurs et vocaux involontaires, soudains, brefs et intermittents. Elle est caractérisée, entre autre, par une trop forte libération de dopamine dans le cerveau.
Les chercheurs de l’Inserm les ont donc soumis au même test consistant à appuyer le plus rapidement possible sur 3 touches de clavier d’ordinateur de manière simultanée. La moitié d’entre eux étaient traités par des médicaments bloquant le circuit de la dopamine (neuroleptiques) tandis que l’autre non.
Là encore le résultat est sans appel : lorsque la récompense monétaire est la plus élevée, les personnes sans traitement apprennent à exécuter la tâche bien plus rapidement que les personnes traitées et surtout plus rapidement que les volontaires sains.
Une dernière expérience a consisté à soumettre le test à des personnes présentant des troubles moteurs non liés à la dopamine (souffrant de torticolis spasmodique/dystonie focale). Leur rapidité à exécuter la tâche est comparable à celle des volontaires sains.
Ces travaux apportent la preuve scientifique que les récompenses monétaires améliorent l’apprentissage moteur chez l’homme et que cet effet passe par une libération accrue de dopamine dans le cerveau.
Ces résultats sont également un argument de plus en faveur d’un lien entre l’hyper dopaminergie des personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette et leurs tics moteurs. L’efficacité de molécules neuroleptiques atypiques (qui diminuent les tics sans altérer l’effet des récompenses chez les malades atteints de la maladie de Gilles de la Tourette) sont d’ores et déjà à l’étude par les chercheurs.
Source : Inserm
“Dopamine-dependent reinforcement of motor skill learning: evidence from Gilles de la Tourette syndrome”
Stefano Palminteri,1 Maël Lebreton,1 Yulia Worbe,1,2 Andreas Hartmann,1,2,3 Stéphane Lehéricy,1 Marie Vidailhet,1,2 David Grabli1,2 and Mathias Pessiglione1
(1) Team Motivation, Brain and Behaviour (MBB), Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM), UPMC Université Paris 6, CNRS UMR 7225, Inserm UMR_S 975, Paris, France
(2) Centre d’Investigation Clinique INSERM CIC 9503, Pôle des Maladies du Système Nerveux, Paris, France
(3) Centre de Référence ‘Syndrome Gilles de la Tourette, Pôle des Maladies du Système Nerveux, Groupe Hospitalier Pitie´ -Salpêtrière, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, F-75013 Paris, France
Brain, vol 134, issue 8, 23 août 2011, doi: 10.1093/brain/awr147