Interview : Peut-on encore croire les fabricants de crèmes solaires ?
Le magazine 60 Millions de Consommateurs a testé 10 crèmes solaires pour enfants. Le résultat de l’enquête est troublant : 6 sur 10 produits testés avaient en réalité un niveau de protection inférieur à l’indice annoncé. Guylaine Leloarer, Responsable R&D pour la gamme solaire Dado Sens Dermacosmetics , nous livre dans une interview son analyse sur le marché des crèmes solaires. De quoi mieux comprendre et recueillir quelques conseils avisés afin de protéger au mieux nos enfants du soleil cet été.
Que pensez-vous de l’enquête menée par 60 Millions de Consommateurs ? Pourquoi de telles différences entre les indices de protection solaire annoncés et la réalité ?
.Guylaine Leloarer : S’il est “logique” de tester des produits de protection solaire afin de vérifier si les performances annoncées sont vraiment au rendez-vous, il est malheureusement “classique” de constater que les valeurs obtenues peuvent énormément varier d’un institut de contrôle à l’autre. La méthode est certes normalisée (une procédure internationale précise comment l’indice de protection doit être mesuré) mais cela n’empêche pas ces fluctuations d’un test à l’autre. En l’occurrence, les indices de protection sont déterminés « in vivo », c’est-à-dire réellement sur la peau humaine, sur du « matériel vivant », puis évalués par un œil certes expérimenté, mais néanmoins humain lui aussi : l’examinateur regarde à partir de quelle durée d’exposition les rougeurs typiques apparaissent, pour une dose précise de rayonnement.
Ainsi, il peut tout à fait arriver que le même produit obtienne un indice de protection qui varie beaucoup selon l’institut qui aura fait la mesure.
C’est pour cela qu’il serait plus que judicieux de faire réaliser la mesure de cet indice de protection par plusieurs instituts, et d’en tirer une valeur moyenne. Mais le coût d’une telle mesure est très élevé, raison pour laquelle elle n’est faite en général que par un seul laboratoire, tant du côté des fabricants que de celui des organisations de consommateurs. Tout ceci – ainsi que la réponse à votre seconde question – explique également pourquoi il y a si souvent de telles variations, vers le bas ou vers le haut d’ailleurs, lors de la mesure des indices de protection faites par les fabricants ou par les organisations de consommateurs : dans la plupart des cas les produits ont été évalués par des laboratoires différents.
Comment les parents peuvent-ils identifier seuls les crèmes solaires contenant ou non des anti-inflammatoires ?
Guylaine Leloarer : C’est un exercice quasi impossible pour les parents, car il existe en cosmétique de nombreux et très différents actifs anti-inflammatoires. Et il en apparaît sans arrêt de nouveaux sur le marché. Aucun consommateur ne peut donc tous les connaître et tous les identifier.
D’où cette demande faite aux fabricants de fournir, pour les tests de mesure de l’indice de protection, leurs produits de protection solaire sans aucun actif anti-inflammatoire, de sorte qu’une valeur réaliste puisse être effectivement obtenue. Car en présence de tels actifs, les rougeurs mentionnées plus haut apparaissent plus tard, et l’indice de protection est donc surestimé par rapport à ce qu’il serait en fait avec seulement un filtre anti-UV.
Quels conseils donneriez-vous aux parents pour protéger au mieux leurs enfants du soleil ?
Guylaine Leloarer : Ils doivent absolument prendre avec sérieux les avertissements figurant sur les produits de protection de solaire :
– même les protections solaires avec un indice très élevé n’offrent pas une protection complète contre les rayonnements UV. D’où cette règle, en particulier avec les enfants : éviter l’exposition directe aux rayons du soleil, notamment en milieu de journée lorsque le soleil est intense, mais chercher l’ombre ou utiliser au minimum une protection textile (casquette, habits à manches longues, parasol, lunettes de soleil…).
– appliquer le produit solaire avant d’aller au soleil et en remettre régulièrement, surtout après avoir été dans l’eau. Mais la protection solaire diminue aussi avec le frottement et la sueur, raisons pour lesquelles il faut aussi remettre régulièrement du produit.
– ne pas appliquer le produit trop parcimonieusement et en couche trop fine, mais au contraire généreusement et surtout de façon bien uniforme.
Il ne faut plus utiliser les produits entamés datant de la saison précédente quand ils commencent à déphaser ou lorsqu’ils sont devenus grumeleux ; cela signifie que la texture et/ou le filtre anti-UV ont été altérés et que la protection solaire a sans doute fortement diminué.
propos recueillis par Morgane Boileau pour 24Hsante.com