Extrême maigreur: l'explication génétique

La première cause génétique de l’extrême maigreur vient d’être mise en évidence par une collaboration internationale menée par des chercheurs du laboratoire Génomique et maladies métaboliques (CNRS/ Université Lille 2/Institut Pasteur de Lille) et de l’Imperial College.

Les scientifiques montrent que la duplication d’une région du chromosome 16 entraine une grande maigreur chez les personnes porteuses de cette mutation génétique. Ces résultats complètent de précédentes découvertes qui montraient que cette même région chromosomique joue un rôle dans l’obésité si elle est sous représentée. Ils sont publiés dans la revue Nature le 31 août 2011.
Une région située sur le bras court du chromosome 16 est connue comme étant parfois sujette à des fluctuations du nombre de copies de ses gènes. Si la grande majorité des individus possède deux exemplaires de chaque gène de cette région, l’une transmise par la mère et l’autre par le père, environ une personne sur 2500 n’en a qu’une seule copie et une sur 2000 est dotée de trois copies. L’équipe franco-anglo-suisse avait découvert en 2010 (1) que le fait de n’avoir qu’une copie de ce fragment du chromosome 16 pouvait expliquer 1% des obésités sévères. Cette anomalie génétique complétait les découvertes récentes de ces scientifiques sur l’hérédité de l’obésité.
L’étude actuelle démontre que les personnes porteuses de l’anomalie inverse c’est-à-dire un excès de matériel génétique – et donc possédant trois copies de cette région – présentent une maigreur importante, voire extrême. Par exemple, les patients adultes porteurs de cette duplication de cette partie du chromosome 16 présentent jusqu’à 20 fois plus de risque d’être en sous-poids (défini par un indice de masse corporelle, IMC (2), inférieur à 18,5) que la population générale. Les chercheurs pensent que les gènes en excès de cette région augmentent la sensation de satiété. Ainsi, chez les enfants, la moitié des porteurs de cette duplication est en sous-poids et a beaucoup de mal à s’alimenter.
C’est la première fois qu’une cause génétique de la maigreur pathologique est identifiée. Jusqu’à présent, on ne connaissait rien des causes génétiques du sous-poids, qui est pourtant associé à une mortalité élevée. Pour parvenir à ces résultats, les scientifiques ont recherché la mutation « 3 copies » du chromosome 16 chez 100 000 personnes, dans le cadre d’une grande collaboration internationale. Ils ont ainsi identifié 138 porteurs de la mutation. Dans un tiers des cas, cette mutation était spontanée (absente chez les parents), dans les deux tiers restants la mutation était héréditaire.
Ce travail démontre que si certains gènes d’une même région génétique sont présents en excès (trois copies) ou de manière carencée (une seule copie), cela peut conduire par un « effet miroir » à des conséquences pathologiques inverses, ici le sous-poids ou l’obésité. Les chercheurs ignorent pour l’instant les mécanismes qui sont à l’origine de ces caractéristiques physiques.
 
La région du chromosome 16 concernée par ce phénomène de duplication comprend 28 gènes. La prochaine étape consistera à identifier lequel de ces gènes est responsable de cet effet sur l’appétit et le poids. Les chercheurs envisagent qu’il puisse s’agir d’un seul gène ou de l’association de plusieurs d’entre eux.
Notes :
(1) A new highly penetrant form of obesity due to deletions on chromosome 16p11.2. Nature. 2010 Feb 4;463(7281):671-5 : Consulter le site web
 (2) Indice calculé en fonction de la taille et de la masse (IMC=masse/taille2) défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme le standard pour évaluer les risques liés au surpoids chez l’adulte. L’OMS a également défini des intervalles standards (maigreur, indice normal, surpoids, obésité) en se basant sur la relation constatée statistiquement entre l’IMC et le taux de mortalité.
Références : Mirror extreme BMI phenotypes associated with gene dosage at the chromosome 16p11.2 locus ; Nature, 31 août 2011
 Plus de 150 chercheurs internationaux sont signataires de cette étude dirigée par Philippe Froguel.
Source : CNRS