Eduquer son enfant : l'évolution des modes d'éducation depuis 1960
Aujourd’hui, notre société a évolué : éloignement géographique, manque de disponibilité des familles, parents isolés, familles monoparentales, maternités plus tardives… Cela conduit les jeunes parents à se trouver isolés, parfois désemparés en présence de leur enfant. Ils sont alors confrontés aux difficultés de ce nouveau métier qu’ils croyaient facile voire inné : devenir parents.
Les pédiatres de l’AFPA constatent que les jeunes parents les sollicitent de plus en plus pour des conseils d’éducation. Ils ont un grand besoin d’être écoutés, guidés et rassurés. Ce thème a d’ailleurs été abordé lors d’une séance plénière “L’enfant dans une société en mutation” à l’occasion du 20ème Congrès National de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire qui s’est tenu du 22 au 24 juin au Palais des congrès de Strasbourg.
· 1960 : l’autorité toute puissante
Dans les années 60, l’éducation reposait sur le principe de l’autorité toute puissante du père qui inculque les lois et les règles de la société. La mère apporte quant à elle l’affection et le dévouement.
· 1970 : il est interdit d’interdire
Avec la libération de la femme, les années 70 marquent une nouvelle tendance sociétale. Désormais, les pères et les mères se partagent, de manière équitable, l’autorité de leurs enfants. Une découverte majeure accompagne aussi cette évolution : le bébé est une personne. Dès son plus jeune âge, l’enfant possède des compétences sensorielles et psychiques. Il a une pensée, un ressenti et un désir relationnel. Il faut observer l’enfant, tenter de comprendre son langage gestuel, comportemental, verbal, s’efforcer d’y répondre et prendre en compte son désir d’épanouissement personnel.
· 1980 : l’enfant roi
Pour accéder à cet épanouissement, l’enfant ne doit plus être frustré ni contraint. Il faut le laisser s’exprimer, réaliser ses propres désirs. Soumis à ses pulsions et à son bon vouloir, l’enfant roi des années 80 se retrouve égaré dans un monde qu’il ne comprend pas, cherchant des limites qu’il ne rencontre pas. Sans cadre éducatif structurant, ces enfants développent un état de profonde insécurité intérieure qui génère des troubles relationnels et comportementaux anxieux, y compris à l’adolescence.
· 1990-2000 : l’enfant précieux
La multiplication des grossesses tardives, le développement de la procréation médicalement assistée ont fait émerger la notion d’enfant voulu plutôt que l’enfant désiré ou simplement arrivé. Cette évolution va faire de la venue de cet enfant un événement majeur, rare et précieux dans la vie des parents et de leur famille. Cet enfant, espéré et parfois trop attendu, va devenir le centre du monde rendant bien difficile à ces parents la mise en place de mesures et d’un cadre éducatif efficient.
· 2010 : la fermeté bienveillante
Actuellement, face à l’échec du mode éducatif de l’enfant roi et face aux difficultés de la mise en place d’un projet éducatif de l’enfant précieux, parents et professionnels se sont remis en question.
L’enfant, à sa naissance, est un être immature et dépendant. Les professionnels savent désormais qu’il a besoin avant tout d’un environnement stable, aimant, attentif, respectueux, capable d’écoute, de compréhension et de réponses adaptées constituant un cadre éducatif sécurisant et structurant. Un nouveau mode éducatif est alors apparu pour permettre à l’enfant de s’épanouir personnellement et de s’intégrer dans la société : “La fermeté bienveillante”.
Le pédiatre, “premier recours” des parents
Lors des consultations, les pédiatres sont souvent témoins des difficultés que peuvent rencontrer les familles dans l’éducation de leurs enfants. “Nous entretenons une relation de confiance avec les parents ce qui les amène à parler de leurs doutes, de leurs incompréhensions, de leurs questionnements. Et dans le contexte sociologique actuel où ils sont parfois isolés, souvent éloignés géographiquement de leurs propres parents, nous nous retrouvons en position de premier recours. Et puis cela fait partie de notre mission de prévention précoce des troubles psychologiques chez l’enfant”, explique le Dr Jacques Romieu, pédiatre et responsable du groupe parentalité de l’AFPA.
Dans un premier temps, il est nécessaire de regrouper les symptômes en écoutant les parents qui se sentent inquiets, déçus, désespérés parce que leur enfant ne dort pas bien, ne mange pas bien, n’obéit pas, fait des colères sans raison, refuse les câlins… Ce temps d’écoute et d’observation est indispensable car, généralement, la prise en considération par le pédiatre de ce mal-être familial est déjà thérapeutique. Pour le Dr Jacques Romieu, “Comme tout problème clinique, il faut déterminer la gravité, les circonstances d’apparition, la chronologie de ces différents symptômes. Il faut ensuite, comme toujours, éliminer une cause organique avant d’envisager une cause relationnelle dans la genèse de la survenue de cette symptomatologie”. Pour les pédiatres, le respect mutuel est essentiel : les parents doivent être attentifs à leur bébé, à ses demandes mais sans envahir tout son espace et sans le stimuler sans cesse. D’un autre côté, ils ne doivent pas se laisser envahir et moduler leur disponibilité selon les besoins de leur enfant et leurs propres besoins. Les dernières études faites sur les interactions précoces montrent que, dans la relation qu’il crée avec son papa et sa maman, le bébé est un acteur à part entière au même titre que ces derniers.
Le plus souvent, les parents ont besoin d’être rassurés sur l’état et les capacités de leur enfant et sur leurs propres compétences. “Tout au long de la consultation, nous nous efforçons de valoriser les capacités de la maman et du papa à s’occuper de leur enfant tout en mettant en évidence les petits points à améliorer. Parce que l’art d’éduquer est une matière bien difficile !”, conclut le Dr Jacques Romieu.
Source : Association Française de Pédiatrie Ambulatoire
Site Internet : www.afpa.org