Allergie au lait : à la recherche d’un nouveau suspect
L’allergie au lait touche essentiellement le très jeune enfant et disparaît généralement à l’âge de 3-4 ans. On observe ces quarante dernières années une recrudescence des cas d’allergie au lait mais aussi une modification majeure du profil des patients allergiques : en majorité, les allergènes incriminés ne sont plus les protéines du lactosérum mais les caséines. Pour expliquer ce phénomène, des chercheurs de l’INRA mettent en cause les traitements thermiques trop intenses des laits infantiles.
Les caséines, des allergènes majeurs pour l’enfant
Responsable de 8 % des allergies alimentaires, l’allergie au lait touche essentiellement le très jeune enfant suite à ses premiers contacts avec des protéines non humaines. Il y a 40 ans, les enfants souffrant d’allergie au lait étaient principalement allergiques aux protéines du lactosérum. Aujourd’hui, l’allergène mis en cause n’est plus le même : ce sont les caséines qui, dans la majorité des cas, provoquent l’allergie au lait. Les caséines, protéines peu structurées, sont très sensibles à l’action des enzymes. Elles devraient être totalement dégradées au cours de la digestion et incapables d’induire une réaction de type allergique. La recrudescence des cas d’allergie au lait, et précisément aux caséines, paraît donc bien surprenante. Quelles en sont les causes ?
L’intensité des traitements thermiques dans le collimateur
Les chercheurs sont partis de la constatation suivante : ce qui a le plus évolué en 40 ans, ce sont les procédés de fabrication des formules infantiles avec en particulier l’utilisation de traitements thermiques intenses qui modifient complètement la structure des protéines. Plus on chauffe, plus les protéines laitières vont s’agréger entre elles, cette formation d’agrégats provoquant une moins bonne digestibilité des caséines. La question est de savoir si cette meilleure résistance des caséines à la digestion n’entraîne pas cette recrudescence d’allerginicité.
Une hypothèse vérifiée en laboratoire
Les scientifiques de l’INRA ont conçu des poudres de laits modèles (sans matière grasse) qui ont subi des traitements thermiques de différente intensité. Ces poudres réhydratées ont ensuite été soumises à un modèle de digestion in vitro mimant les conditions physiologiques du tube digestif du nouveau-né. L’analyse des produits de digestion des caséines a clairement mis en évidence l’augmentation de la résistance des caséines à la digestion dans les poudres soumises aux traitements thermiques les plus intenses. Ces résultats obtenus sur des matrices modèles dépourvues de matière grasse ont été confirmés sur des aliments plus complexes comme des laits liquides et des yaourts.
Le saviez-vous ?
– Pourquoi se forme-t-il une peau lorsqu’on chauffe le lait ? Aux environs de 70°C, certaines protéines solubles du lait, l’α-lactalbumine et la β-lactoglobuline, sont dénaturées. Elles s’agrègent alors entre elles, et avec les micelles de caséines, pour constituer des amas moins denses qui remontent à la surface. Les globules de matière grasse, plus légers que les autres constituants du lait, gagnent également la surface. L’ensemble de ces amas moléculaires forme une pellicule que l’on appelle la « peau ». Le lait contient, par ailleurs, des gaz dissous. Lorsque le lait est chauffé, la solubilité de ces gaz diminue. Des bulles se créent alors au fond du récipient et remontent à la surface. Elles sont freinées par la viscosité du lait et bloquées par la « peau ». Elles exercent une pression sur celle-ci, d’où le débordement.
– Attention : ne pas confondre… L’intolérance au lactose est essentiellement liée à une déficience enzymatique. Très différente, l’allergie au lait est une réaction immunologique qui se traduit par la production d’anticorps, les IGE, spécifiquement dirigés contre les protéines laitières. Il s’agit de la troisième allergie alimentaire chez l’enfant, derrière l’oeuf et l’arachide.
Source : INRA