Quand la cicatrisation évolue en fibrose : les "mauvaises" cellules identifiées
Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS ont identifié, chez la souris, les cellules à l’origine de certaines formes de fibrose, cette hyper-cicatrisation pathologique qui peut, quand elle atteint les organes vitaux, provoquer la mort. Ces travaux sont publiés dans Nature Medicine.
Lors d’un traumatisme –une blessure ou une inflammation, par exemple– certaines cellules du tissu conjonctif de l’organe atteint, appelées fibroblastes, prolifèrent fortement en produisant des facteurs de croissance ainsi que de la matrice extracellulaire, riche en collagène. Lorsque l’organe régénère normalement, ce tissu de cicatrisation, devenant inutile, est progressivement éliminé. Les fibroblastes jouent ainsi un rôle essentiel dans le processus de cicatrisation.
Mais dans certains cas pathologiques, notamment à l’occasion d’atteintes répétées, comme dans certaines maladies chroniques, il arrive que le tissu de cicatrisation persiste, et remplace alors le tissu sain : c’est la fibrose. Ce processus pathologique, très invalidant, altère définitivement le fonctionnement de l’organe, et peut même conduire jusqu’au décès s’il touche des organes vitaux. Les mécanismes régulant ces phénomènes demeurent à l’heure actuelle encore très peu compris, et la mise au point des traitements délicate : il s’agit de réguler l’action des fibroblastes… sans pour autant la bloquer totalement, le rôle de ces cellules demeurant fondamental.
C’est dans ce contexte que des chercheurs, dirigés par Lucie Peduto dans l’unité Institut Pasteur/CNRS Développement des Tissus Lymphoïdes, ont découvert une population de fibroblastes directement responsable de la surproduction de tissu cicatriciel. Grâce à des méthodes de visualisation et de traçage génétique chez la souris, ils ont, pour la première fois, pu démontrer l’existence, dans la peau et le muscle squelettique, de fibroblastes surproducteurs de collagène, produits transitoirement après une blessure aigüe. Ces fibroblastes sont eux-mêmes issus d’une population distincte et relativement rare de cellules progénitrices logées autour des vaisseaux sanguins.
Les chercheurs ont montré que ces cellules surproductrices de collagènes sont caractérisées par l’expression à leur surface d’une protéine de membrane, appelée ADAM12. Celle-ci est habituellement exprimée par des fibroblastes foetaux, mais peut être réactivée transitoirement lors d’une blessure. En l’absence de cellules exprimant ADAM12, la cicatrisation s’effectue sans excès de collagène, en évitant donc la fibrose du tissu blessé.
L’identification d’une classe de fibroblastes « pathologiques » devrait aider à comprendre les mécanismes de régulation mis en échec dans la fibrose. Cette découverte permet également d’envisager une nouvelle approche thérapeutique pour certaines maladies fibrotiques chroniques, comme la sclérodermie systémique, le fibrosarcome ou la fibrose hépatique, dans lesquelles les cellules exprimant ADAM12 sont produites de façon chronique. Une approche thérapeutique qui ciblerait une population de fibroblastes « pathologiques », permettrait de minimiser les risques d’affecter les fibroblastes sains et les organes non malades.
Ce travail a reçu des subventions de la Mairie de Paris, de l’Agence Nationale de la Recherche, ainsi qu’une bourse d’excellence de la Commission européenne. Selene E. Di Carlo est financée par la Ligue contre le cancer.
Références :
Lineage tracing and genetic ablation of ADAM12+ perivascular cells identify a major source of profibrotic cells during acute tissue injury, Nature Medecine, 29 juillet 2012.
Sophie Dulauroy (1,2), Selene E. Di Carlo (1,2), Francina Langa (3), Gérard Eberl (1,2), and Lucie Peduto (1,2)
(1) Institut Pasteur, Développement des Tissus lymphoïdes 75724 Paris, France
(2) CNRS, URA1961, 75724 Paris, France
(3) Institut Pasteur, Centre d’Ingénierie Génétique Murine, 75724 Paris, France
Source : Institut Pasteur